Cacherout: la question du lactosérum
Le lactosérum -ou petit-lait – est le liquide séreux qui reste après la coagulation du lait, lorsqu'on fabrique du fromage. Dans le passé, ce résidu était réservé uniquement à la consommation animale, et ne soulevait par conséquent aucun problème de cacherout. C'est à partir des sixties, et surtout des seventies, qu'on a eu l'idée, pour des raisons notamment économiques, de l'utiliser aussi pour l'alimentation humaine. Aujourd'hui, il est présent de façon massive dans de très nombreux produits.
A première vue, sa consommation ne devrait poser aucun problème spécifique, malgré le fait qu'il a été obtenu dans le circuit non-cacher, sans aucun contrôle rabbinique. Il n'y a que ceux qui s'imposent de ne consommer, même en matière de fromages, que des aliments dont le lait qu'ils contiennent a été trait en présence d'un Juif pratiquant , qui devraient s'abstenir : en effet, il s'agit bien ici de lait non surveillé ! Mais autrement, quel argument opposer à la cacherout de ce produit ?
Car de deux choses l'une : soit le fromage dont a été extrait le sérum a été obtenu à partir d'une présure microbienne ; ce sérum ne contient alors aucun ingrédient interdit. Et même si la présure mise en œuvre est d'origine animale, elle est présente en si petite quantité dans le sérum, qu'elle est nécessairement annulée dans 60 fois son volume. (Notons que cette annulation n'est pas applicable au fromage lui-même : agent de la coagulation, la présure y est reconnaissable par son effet, et ne saurait être négligée ; c'est le fameux principe de : « davar hamaamid afilou beélef lo batil ». A contrario, la présure ne produit aucun effet visible dans le sérum, puisque celui-ci ne coagule pas ! Elle peut donc être considérée comme nulle.)
En réalité, les choses sont moins simples qu'il n'y paraît. Rappelons tout d'abord que le fromage des non-Juifs fait l'objet d'un interdit rabbinique, par crainte qu'on y ait introduit de la présure animale. Et même si on est certain qu'il n'en contient pas, il reste proscrit à la consommation en vertu du principe de « lo ploug » - généralisation de l'interdit pour cause d'uniformisation. Pour lever l'interdit, il est ainsi nécessaire qu'un surveillant rituel participe à sa fabrication. (Yoré Déa, 115,2)
Or, il convient de savoir que la fabrication de nombreux fromages requiert la cuisson de ceux-ci, et ce notamment en ce qui concerne les fromages français ; la séparation entre le fromage et le petit-lait n'intervient alors qu'après cuisson.
De sorte que le lactosérum a été cuit avec le fromage interdit, et qu'il a reçu, en conséquence nécessairement, du goût provenant de celui-ci. Il a donc été « contaminé ».
Cette logique aussi simple que rigoureuse explique que le Beth Din de Paris, ainsi que le O.U. américain aient de tout temps classé ce produit parmi les interdits.
G.R Michel Gugenheim