Le cérémonial relativement complexe qui entoure aujourd'hui la célébration des mariages religieux peut paraître parfois inattendu sinon étrange à l'observateur non averti, et, particulièrement aux jeunes époux qui bien souvent, assistent pour la première fois de près à un tel spectacle. Tous les éléments de ce rituel n'ont pas, en vérité, la même importance. Certains d'entre eux constituent la partie fondamentale du mariage, tandis que d'autres ne sont que l'expression d'usages et de coutumes - à caractère religieux certes, mais moins impératifs que les premiers, et variables selon les lieux, les époques et les communautés. Enfin, de nombreux détails de la cérémonie n'ont du rite que l'apparence. Quel que soit l'attachement fidèle et profond qu'on leur porte, ils ne sont en fait que la traduction d'une certaine concession à la mode ou d'une tentative de conférer à la fête un supplément d'apparat et de solennité.

Ce sont les éléments essentiels, constitutifs de la validité juridique et religieuse du mariage que nous voudrions examiner dans les lignes qui suivent.

Selon la législation juive, remarquablement originale en ce domaine, l'union conjugale doit se réaliser en deux étapes. La première est appelée éroussine d'après le terme biblique qui signifie union. Mais les rabbins du Talmud l'ont dénommée quidouchine : consécration. En effet, le lien qu'elle instaure entre les époux ne peut être dissout que par un divorce - le Guett - et l'infidélité à ce lien constitue un véritable adultère. Attenter à cette union équivaudrait à un crime aussi grave que la profanation d'une offrande consacrée à D.. En outre, le terme de quidouchine se réfère sans doute aussi à la vie de sainteté qui est celle de tout couple juif qui a résolu, en cet instant solennel, d'organiser son existence au rythme des Mitsvot, et de se conformer en tout point à "la loi de Moïse et d'Israël".

Pratiquement, l'acte des éroussine consiste en la remise par le fiancé à la fiancée d'une pièce de monnaie ou d'un objet valant au moins une perouta (piécette de cuivre ayant cours au temps du Talmud). Aujourd'hui, c'est l'anneau nuptial qui joue le rôle de la perouta ; il s'agit d'une bague simple, ne portant ni pierre, ni ciselure. Le fiancé prononce en hébreu la formule : "Te voici consacrée à moi par cet anneau, conformément à la Loi de Moïse et d'Israël." Puis, immédiatement, il passe l'alliance à l'indexde la main droite de sa fiancée. Celle-ci, par son accord, renonce partiellement au droit de disposer d'elle-même ; on peut dire, en ce sens, qu'elle est acquise à son mari. Précisons qu'il n'existe pas d'autre remise d'anneau : la notion de l'échange des alliances est totalement étrangère au judaïsme et l'introduction d'une telle pratique serait particulièrement incongrue. Il est, enfin, important de noter que pour être valable, l'acte des éroussine doit impérativement être réalisé en présence de deux témoins. (Les critères de qualification de ceux-ci sont autrement plus sévères que lors du mariage civil. Seuls sont admis, notamment, les hommes adultes et étrangers à la proche famille. Ils doivent également faire preuve d'une orthodoxie absolue : la moindre incartade commise à l'égard de la halakha est susceptible de les disqualifier ! )

OBLIGATIONS

L'acte des éroussine ainsi accompli constitue une authentique Mitsva. A ce titre, il doit être précédé par une bénédiction destinée à remercier D. d'avoir sanctifié les hommes par Ses commandements. C'est le rabbin qui la prononce (bien qu'elle incombe en premier chef aux fiancés), par délicatesse envers ceux qui ignoreraient l'hébreu. Les futurs mariés écoutent avec attention la bénédiction, qui leur est alors imputée comme s'ils l'avaient eux-mêmes récitée. Pour plus de solennité, cette Birkat éroussine est dite sur le vin et précédée de la bénédiction sur cette boisson privilégiée qui doit accompagner, selon la tradition, toutes les manifestations de joie.

Après les éroussine, le mariage n'est pas encore achevé. Il reste encore une seconde étape à franchir, qui a pour but de consacrer et d'inaugurer la vie conjugale proprement dite. Ce sont les nissouïne, que le marié effectue en conduisant son épouse dans sa nouvelle demeure. A cette fin, la halakha a institué une demeure symbolique - la 'Houppa, c'est à dire le dais nuptial qui abrite les époux durant la célébration du mariage, et le taleth sous lequel ils sont réunis au moment des nissouïne. Eroussine et nissouïne sont deux cérémonies bien distinctes. Au temps du Talmud, une certaine période les séparait, au cours de laquelle la jeune épouse restait encore dans la mission de ses parents. Récemment encore, ce système était encore en vigueur en Tunisie.

Aujourd'hui, les deux cérémonies sont réunies en une seule et ne sont plus séparées que par la lecture, donnée par le rabbin, de la kétouba.

Cet acte, écrit en araméen, signé par deux témoins, énonce la liste des obligations que le marié s'engage à remplirvis-à-vis de son épouse tant durant la vie maritale qu'en cas de dissolution de leur union. Et il précise que cet engagement a été sanctionné par un acte juridique - le kinian soudar. Ce document sera ensuite conservé précieusement par l'épouse ou par ses parents : Il constitue une condition sine qua non de la vie maritale. Ainsi que le prescrit le Choul'han 'aroukh : " Il est interdit de vivre avec sa femme ne fût-ce qu'un instant, s'il n'y a pas de Ketouba." Si elle était perdue, il serait indispensable d'en réécrire une autre. Une telle importance attachée à ce document est significative. C'est que la Kétouba constitue une véritable déclaration des droits de la femme. Le judaïsme y affirme avec force sa conception de l'épouse : il exclut radicalement toute notion de femme-objet ou de femme-servante.L'antiquité de l'institution de la Kétouba illustre bien le caractère futuriste du judaïsme, tel qu'il apparaît tout au long de l'histoire, en comparaison avec les options du monde non-juif.

LE TEMPLE

Comme les éroussine, les nissouïne donnent l'occasion d'adresser des louanges à D. Ce sont les chéva bérakhot, les sept bénédictions. La dernière s'achève sur la prophétie jadis exprimée par Jérémie (33, 1) : "Qu'on puisse bientôt entendre dans les villes de Judée et dans les rues de Jérusalem, la voix d'allégresse et la voix de joie, la voix du jeune époux et celle de la jeune épouse."

Le souvenir de Jérusalem, en effet doit toujours être présent le jour de notre joie. Dans cet esprit, également, il est d'usage que le marié achève la cérémonie en brisant un verre : il rappelle ainsi la destruction du Temple.

Mais certains voient aussi dans cet acte l'évocation de la brisure des premières Tables de l'Alliance, qui intervint quarante jours après la Révélation du Sinaï. Les mariés montrent ainsi leur ferme résolution de tout entreprendre pour que ne soit jamais rompue l'alliance qu'ils viennent de conclure.

Tels sont les principaux moments du mariage juif. Au rythme de ces rites tant de couples des générations présentes et passées ont célébré leur union. Ils manifestaient ainsi leur fidélité et leur confiance à D.ieu, et aussi leur conviction que cette institution du mariage religieux, indissolublement liée à la notion de famille, restait l'un des meilleurs garants de la perpétuité de leur tradition, de leur identité et de leur authenticité.